vendredi 24 octobre 2008

La tradition culinaire française préserve-t-elle de l’obésité ?

Extrait de "Cuisiner Comme un Chef N°11"

Avant toutes choses et afin que mon texte soit compréhensible, il faut savoir que pour les médecins l’obésité commence à partir d’un indice de masse corporel de 30. Plus l’indice est élevé, plus l’obésité est grave et dangereuse.

Cet indice se calcule de la façon suivante :





En 2002, 30.6% des américains étaient obèses, c'est-à-dire que leur IMC était supérieur à 30, même chose pour 23% des anglais et des australiens. Dans le même temps les français concernés n’étaient que 9.4% ; aujourd’hui ils sont 12.4 %.

On a d’abord pensé que l’explication de cette situation se trouvait dans le fameux « French paradox ». En effet il est paradoxal que si les français boivent plus de vin rouge, mangent plus gras, ont un taux moyen de cholestérol plus élevé que les américains, ils sont moins gros et ont moins de maladies cardiovasculaires graves que les américains. Il semble à la lumière des travaux du sociologue Claude FISHLER qu’en réalité la cause de cette différence soit dans le contexte culturel qui entoure l’acte alimentaire. Un jour peut-être, si les français cèdent aux tendances comportementales alimentaires anglo-saxonnes, qu’ils mangent compulsivement à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, quand ils ont faim, les abondantes nourritures industrielles facilement disponibles partout : dans les distributeurs, sur les lieux de travail, les boulangeries, les fast-food, etc., il leur arrivera ce qui est arrivé aux américains : une obésité galopante.

Aujourd’hui, on n’en est pas encore là, car le fond culturel culinaire familial résiste encore, mais pour combien de temps ?

Grâce aux progrès des techniques de cuisine, aux plaques vitro-céramiques, aux fours à micro-ondes, aux produits pré-préparés et surgelés, la plupart des mamans arrivent encore à pratiquer au dîner un genre de cuisine traditionnelle qui permet de rassembler la famille autour d’une table pour partager le repas. Ceci n’est plus qu’un lointain souvenir au USA et d’ailleurs les nouveaux appartements construit à New York n’ont plus ni cuisine, ni salle à manger, ils se contentent d’un réduit avec un évier, un frigo, un placard et un micro-ondes. Il semble que dans la majorité des cas, les anglo-saxons mangent uniquement dans le but utilitaire de se nourrir individuellement, alors que les français et les habitants du sud de l’Europe en général profitent de cette occasion pour se réunir et partager en même temps convivialité et nourriture.

Il est d’ailleurs amusant de noter que dans plus de la moitié des cas, à la fin d’un repas entre collègues dans un restaurant anglo-saxon chacun paye ce qu’il a commandé alors que pour les français etc. on divise l’addition par le nombre de convives. On peut donc en conclure que symboliquement les uns payent pour se nourrir alors que les autres payent pour se réunir. Les américains ont la culture de l’excès en cuisine comme ailleurs et les portions servies dans les restaurants ou les plats préparés sont d’un volume supérieur d’au moins 50% à ceux que l’on sert en Europe. Cela s’observe même dans les restaurants d’une même chaîne servant les mêmes plats élaborés suivant les mêmes recettes entre les USA et l’Europe.

Bizarrement cette inflation d’alimentation s’accompagne d’une accélération des repas puisqu’un français met 22 minutes en moyenne pour consommer un repas au MAC’DO alors qu’un américain met 14 minutes pour manger presque le double de la même chose.

Autre étrangeté, aux USA les emballages des produits alimentaires sont fractionnés par petites portions sur lesquelles sont indiquées de façon très claire composition et teneur calorique. En toute logique la consommation devrait être freinée ; or ce n’est pas le cas car cela favorise la multiplication des prises alimentaires en dehors des repas sous forme de grignotage.

Faut-il s’attacher à la tradition des repas à table à heure régulière ?

Je pense que oui mais je crains que ça ne soit de plus en plus difficile par manque de temps et aussi par excès d’individualisme, chacun ayant tendance à manger ce qu’il veut quand il veut sans s’occuper du reste de la famille. S’il n’est pas trop tard d’assurer la transmission de « l’artisanat culinaire familial », la situation pourra sûrement se maintenir et s’améliorer.

Là dessus tous à vos clafoutis !
Docteur Jean-Claude Houdret